Tuesday 08 February 2005
Ce n’est pas sale !
Ah, vraiment… sur ma relation avec Lila, j’en aurai entendu de toutes les couleurs : « Une histoire de Q », « ce n’est que physique », « un plan cul », « être réduite à un plan horizontal », « une relation qui commence par du cul », « une copine de baise », « une liaison de cul »… cul, cul et re-cul-cul ! Cachée derrière ces remontrances morales, il se dégage une telle obsession pour ce qui se passe en dessous de la ceinture que je finirais par croire que les gens sont encore plus vicelards que moi !
Mais qu’est-ce qu’un plan cul au juste ? Soyons clairs : pour un garçon, c’est d’avoir trouvé auprès d’une fille consentante le moyen d’avoir des rapports sexuels sans payer. Mais alors, me direz-vous, quelle différence avec une amoureuse qui est aussi, de ce point de vue, une pute gratuite ? Cela tient au fait que dans le plan cul, il n’y a pas d’amour ni de sentiments et que la relation ne se résume qu’au sexe :
toc, toc…
« Salut, ça va ?
- Oui, entre ! Les capotes sont sur le lit. Tu as apporté du lubrifiant comme je t’avais demandé ?
- Non… En fait je ne reste pas, je suis juste venu te dire que j’avais mes règles.
- Ah, OK. Bye ! »
Tous ceux qui sont donc persuadés que ma relation avec Lila se résume à ça vont être déçus parce que nous faisons aussi autre chose comme : manger, parler, nous promener, regarder des films, nous lire des histoires, fumer des plantes rares, bavarder autour d’un verre… et en plus nous nous estimons !
Bien entendu, je vais en entendre d’autres s’exclamer que cela n’a rien à voir, que ce qui détermine un plan cul, c’est le fait que le sexe est la chose la plus importante, l’élément primordial sans lequel la relation n’aurait jamais existé. On peut effectivement le voir dans ce sens… mais permettez-moi de vous rappeler que même les couples d’amoureux baisent… Et le premier critère de choix pour un garçon hétéro, c’est que son partenaire soit une fille. Autrement dit : elle aurait beau avoir été aussi belle et intelligente en mec, il n’en aurait jamais voulu…
Le test est simple : vous - garçon hétéro - êtes condamné à vous retrouver seul à vie sur une île déserte. Dieu, dans sa grande miséricorde, vous accorde comme compagnon de galère votre petite amie de rêve : vicieuse, belle et intelligente. Mais comme Dieu est un peu vicieux aussi, il vous annonce qu’il va retirer à votre demoiselle 2 choses parmi les 3 suivantes :
1- Son intelligence (elle sera naïve et un peu lente au démarrage).
2- Sa beauté (elle ne sera pas jolie mais pas moche non plus).
3- Son vagin (Dieu va le remplacer par un pénis de taille supérieure).
Laquelle de ces 3 propositions souhaiteriez-vous le moins voir exaucée ? La majorité des garçons ni homo ni bi répondront : « La 3 ! » Doit-on donc résumer la relation à une relation de cul ?
Car il faut bien comprendre que toute relation - amoureuse ou non - est en soi un plan cul. Sans sexualité, il n’y a pas de désir, pas de manque, pas de jalousie, pas de possessivité, pas de plaisir à partager, en un mot : pas de sentiment amoureux. Une relation sentimentale se construit sur la sexualité. C’est parce que nous sommes sexués que nous recherchons la présence physique de l’autre. Mais que la présence d’un vagin ou d’un pénis chez un partenaire soit notre premier critère de choix ne signifie pas pour autant que nos rapports humains sont de seconde zone ! Il faut se sortir de la tête les vieux tabous judéo-chrétiens et arrêter de dénigrer tout ce qui a trait au sexe.
Selon les relations, selon notre plaisir à être en présence de l’autre, l’intensité des sentiments diffère. C’est à soi de décider à partir de quand on souhaite appeler ça de l’amour. Là dessus : à chacun son échelle. Ma relation de 8 mois avec Oona peut être considérée comme une relation amoureuse en regard de bon nombre de relations d’autres couples. A l’inverse, ce n’est pas parce qu’on décide de ne pas appeler ça de l’amour que ça n’en est pas un petit peu ou qu’au contraire il n’y a aucun sentiment derrière. Entre l’indifférence et l’amour, comme au sein même de l’amour, il y a une infinité de nuances, un incommensurable dégradé d’affection qu’il faut se garder d’oublier. Aussi, pourquoi me semble-t-il que beaucoup de personnes ont un mal fou à comprendre ça ? Il faut arrêter de vouloir ranger systématiquement tout d’un coté ou d’un autre : les gentils, les méchants. Le bien, le mal. L’amour, le plan cul.
Un plan cul est une relation basée uniquement sur le sexe et dans laquelle il n’y a aucune estime pour l’autre. L’autre est réduit à l’état d’objet, objet masturbateur en l’occurrence. L’expression est péjorative et à juste titre : elle fustige ce degré zéro de la relation.
Mais parler d’une liaison de cul pour décrire une histoire qu’on pense ne pas être d’amour, c’est réduire une relation à une suite de rapports sexuels en omettant tout ce qu’il y a d’autre et en sous-entendant que la sexualité puisse être une chose sale et condamnable.
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